Depuis 1876, à Pessac, la ville natale d’Eustache, le maire et un jury procèdent chaque année à l’élection d’une "Rosière", une jeune fille choisie pour un an pour ses qualités morales et sa vertu, qui recevra un prix honorant toute sa communauté. En 1968, Eustache filme une première fois cette élection. En 1979, il retourne à Pessac pour l’élection de la Rosière avec l’idée de refaire le "même" film onze ans après la première version.
"En 1968, quand j’ai tourné le film, j’ai regretté qu’il n’existe pas le même film tourné en 1896, l’année où cette tradition, qui remonte au Moyen Age, a été ranimée et instituée et qui correspond à peu près à l’invention du cinéma. J’ai rêvé à ce qu’auraient pu faire les frères Lumière en 1905, en muet, sur cet événement ; j’ai rêvé qu’un autre opérateur aurait filmé la cérémonie de la Rosière pendant la guerre de 14-18, on aurait vu les poilus, le village et les gens tels qu’ils étaient à l’époque ; j’imaginais le même film en 1936, au moment du Front populaire, (...) et puis il y aurait eu la Rosière sous l’Occupation, avec des Allemands regardant passer le défilé. (...) L’envie m’est venue de le refaire, exactement de la même façon, en filmant la même chose, avec cette idée donc que si on filme la même cérémonie, qui se déroule sous tous les régimes, sous toutes les Républiques, on peut filmer le temps qui passe, l’évolution et la transformation d’une société à l’intérieur d’une certaine permanence, celle d’un lieu et celle d’une tradition. C’est l’idée de temps qui m’intéresse". Jean Eustache dans Les Cahiers du Cinéma n°306