“En filmant Les désastres de la guerre , Pierre Kast ne faisait qu’actualiser, que prolonger dans le présent le constat que dressait Goya en 1808, de la guerre d’Espagne. Mais il ne s’est pas limité à la simple illustration mouvante des eaux fortes du peintre espagnol. Il a puisé, dans l’œuvre de Goya antérieure à l’événement, des images significatives pour encadrer efficacement les images de 1807 à 1808. La construction du film est analogue à celle du Six juin à l’aube de Grémillon : une introduction montrant une Espagne gaie, riante et galante ; le volet central constitué par les désastres de la guerre, la conclusion qui exprime ce à quoi conduit la guerre : le néant. (...) L’intelligence du cinéaste est d’avoir considéré l’œuvre de Goya comme un ensemble (ce qu’avaient fait, l’année précédente avec Picasso, les cinéastes Alain Resnais et Robert Ressens en tournant Guernica), et d’en avoir fait jouer les oppositions et les contrastes pour approfondir le plus loin possible les dimensions de son propos. Les images terrifiantes de la guerre ne prennent que plus de poids en regard des images calmes et paisibles qui les précèdent.
L’art de Goya, en sa force et son lyrisme désespéré, devient vision d’apocalypse. Le peintre est alors le plus implacable témoin de la violence. Pierre Kast, en restant fidèle à Goya, a su donner à ces visions infernales un prolongement rythmique par la rigueur du montage. Les désastres de la guerre, c’est l’irrépressible cheminement d’un peuple vers le néant.” Défense du Court-métrage français, Éd. Du Cerf.