"Ma première impression fut si sombre en arrivant dans le Borinage que j’ai d’abord pensé qu’il était impossible de faire un film. Même la nature me parut à l’image de cette misère humaine...Le Borinage était l’exemple parfait de l’injustice capitaliste... Malgré la grève perdue, malgré les expulsions et les menaces, les mineurs étaient à nouveau prêts à se battre pour obtenir le droit au charbon. Comment filmer une expulsion ? C’était impossible. Les maisons d’habitation appartenaient aux compagnies. Après la grève, les mineurs en avaient été chassés et il nous fallait reconstituer. D’un autre coté, nous eûmes la chance de filmer des scènes authentiques, comme celle où le jeune homme donne sa paie à sa mère à la fin de la semaine... Au cours de ces semaines passées dans le Borinage, nous avons vécu très près des mineurs... Le film que nous avions entrepris devenait de plus en plus leur film... Notre vision esthétique subit, elle aussi, le contrecoup de cette réalité... Chaque plan devait dire ’j’accuse’ et non ’je compatis’...
Ce style dépouillé au possible, presque contemplatif, fut pour la presse bourgeoise le prétexte de se déchaîner contre le film et contre moi..." Joris Ivens ou la Mémoire d’un regard.